dimanche 8 octobre 2017

45 de Salbertrand à Susa 23 km

1 l’étape du jour
 
 Notre dernière étape en terre inconnue puisqu'à partir de Suse jusqu'à Turin nous avons fait le parcours en sens inverse depuis Turin (2016). Depuis Salbertrand c'est plus court que depuis Oulx, mais néanmoins difficile puisque à la descente moyenne vers Suse est perturbée par plusieurs rudes montées. Néanmoins, l'arrivée à Suse de fait en descente directe par l'arc de triomphe d'Auguste...
 
 
2 le tracé
 
 
 
3 le détail de l'étape
 
Ce matin, il fait plus doux : quelques nuages ont limité le rayonnement nocturne et puis nous sommes à 1100 mètres d’altitude, plus bas qu’hier.
Nous avons demandé à notre hôtesse le nom de la fête chrétienne qui a eu un tel succès hier en fin d’après-midi qui a conduit à tout réserver l’unique bar-restaurant du village et nous a forcé à dîner en chambre. C’est la « Cresima » ! On nous avait expliqué au bar, hier après-midi, qu’ils faisaient en même temps baptêmes, premières communions et communions solennelles... une drôle de pratique de fond de vallée alpine. Mais en fait, il s’agit de la Confirmation et notre maitrise de l’Italien montre ici toutes ses limites !  
Toujours est-il que la place est redevenue vide et que le village est redevenu calme au lever de rideau métallique de l’épicerie près à sept heures pétantes. On aurait dit le long grondement d’un tremblement de terre...
 


La date 1536 est gravée sur la grande façade protifiée soutenue par de lourdes colonnes octogonales. 
Le portail en pierre réalisé par Matteo Rode en 1512, est inspiré des modèles français de l'époque: il se compose de deux faisceaux de colonnes sur lesquels repose un arc plein; surmonté des armoiries : le lys de France entouré de deux dauphins (indiquant l'affiliation de Salbertrand au Dauphiné). 

Un grand clocher se trouve sur le côté gauche de l'église; Les cinq premiers étages sont de la période romane, avec des arcs de façade et de miroir, les trois autres niveaux ont été ajoutés entre 1739 et 1741 .

 
 


Pour rejoindre, le chemin des Francs laissé hier de l’autre côté de la vallée nous décidons de marcher sur la route jusqu’à l’entrée d’Exilles où se fera naturellement la jonction avec le parcours envisagé. Heureusement, nous sommes dimanche et il y a « degun » sur la route. (Vous noterez que j’utilise sciemment ce terme provençal dans ce pays où le patois est directement issu de cette belle langue,) La route monte en lacets avant de redescendre en faisant de même. La marche sur l’Adret de la vallée est encore à l’ombre, le village de Deveys ne verra la lumière du soleil que dans une petite heure...


Pendant ce temps, l'itinéraire du sentier des Francs suit le chemin supposé que Charlemagne et ses troupes prirent en 773 pour attaquer l'armée des Lombards qui campaient à la Chiusa di San Michele plus loin dans la vallée. La  bataille avec les Lombards autorisa la pénétration franque dans le Piémont et peu après la fin du règne des Lombards dans le nord de l'Italie après deux siècles de domination sans partage.



Le Sentier des Francs, n’a d’autre choix que de descendre dans l’etroiture d’Exilles, l’antique Excingomagus gallo-romaine. Le nom actuel dérive du nom médiéval   sillis  (avant 1065) ou   exillis   (1172), qui montrent la transformation du Celte ixellleus latinisé, ixellus ("en ixellis"), et dernière étape le latin du celte ixsellos "bas". La forme originale signifiait donc, par conséquent, un «lieu de ralliement ou de pâturage dans les champs situés du dessous», de même que Issilia (TO) et Iselle, hameau de Trasquera (VB). D'autre part, les descriptions des itinéraires antiques contribuent à l'identification d’Exilles comme l'Excentomagus citée par Strabone et Pline. Il s'agit d'un nom typique celtique, basé sur  magos = domaine, lieu de rassemblement ou marché extérieur. Parce qu'il s'applique aux lieux saisonniers et surtout aux foires de bétail, parfois dans les toponymes, on le traduit par le forum latin, mais il n'est pas obligatoire que l'indication se réfère toujours à un établissement de marché à l'intersection de rues. La première partie du nom provient du celte "attaquant, héros", formé sur une racine cing "mars, avance", comme cingetos est "celui qui avance dans les rangs, guerrier", Vercingetorix est le "suprême (ver) re (rix) des guerriers "et excingos est" celui qui excelle ou se démarque des rangs, le héros ". Bien que la latinisation en Excedus relève de l'époque romaine, il est peu probable que Excingomagus soit considéré comme faisant référence à une personne spécifique (le «Marché d’Excingus»), alors il convient de se référer à la signification originale en identifiant le souvenir d'une bataille historique ou probablement le point prédéterminé de rassemblement des guerriers à des moments réguliers ou en cas d'urgence. Il était typique de s'entendre sur un premier rassemblement de jeunes d'une seule unité territoriale pour amener toutes les troupes dans une zone commune dans l'armée : la position d'Exilles se prête évidemment au rassemblement des guerriers de la vallée de Suse pour contrer toutes les attaques, comme un point focal contre l'arrivée des ennemis d'en bas, et pour aider l'armée de Suse. D'autre part, la zone a été attribuée à une unité ethnique distincte, identifiée par la plupart des historiens comme celle des Segovii («les vainqueurs»). Ce lieu  à l'âge pré-romain devait être un camp, probablement fortifié, et/ou peut-être un sanctuaire, à un moment où les principales colonies étaient à mi-hauteur et non au fond de la vallée.  



La ville d'Exilles a donc des origines anciennes: grâce à son emplacement stratégique, de verrou de la vallée. Le site actuellement occupé par le Fort était déjà habité dans les temps antiques par les Celtes. À partir de 1155, sous le commandement des comtes d’Albon, un véritable complexe fortifié a été réalisé. Depuis lors, le fort d'Exilles passa de main en main, entre domination piémontaise et française, entre duché de Savoie et Dauphiné. 

 

C’est un bourg caractérisé par son architecture en pierre et en bois parfaitement préservée, sous l’imposant Fort. 







Sur la place centrale se dressent le beffroi roman et l’Eglise San Pietro Apostolo, avec un riche maître-autel de 1681 ; 


 

Le grand pré sous le fort est orné d’un immense dessin en forme de 8 allongé auquel on aurait rajouté une autre circonvolution. Nous ne sommes pas à la bonne saison puisqu’il s’agit d’une forme réalisée en lavande ! C’est le moyen pour démontrer que cette culture était développée ici dans les temps anciens.



La petite Chapelle San Rocco est à la sortie du bourg, elle est peut-être le fruit du remaniement d’un édifice préexistant.


Une première tour lombarde existe au VIIème siècle : elle est détruite par les FrancsUn château fort est construit sur l’éperon rocheux dans la deuxième moitié du XIIème  siècle ; le territoire appartenait alors au Dauphiné de Viennois. Après le transport du Dauphiné au royaume de France en 1349, ce château est constamment agrandi et amélioré par les ingénieurs du roi de France, étant en position avancée sur le versant italien des Alpes. Il sert ainsi de dépôt d’armes à la fin du XVème siècle.





Après bien des vicissitudes, le fort menaçant la France est détruit par les révolutionnaires en 1800. 

Le fort est reconstruit pour contenir une éventuelle menace venant de la France post-révolutionnaire, par Antonio Olivero et Giuseppe Rana (1818-1829). Il est financé par l’indemnité de guerre versée par la France. Il est en forme de grand trapèze : deux petits côtés de 90 et 60 m ; deux grands côtés de 260 m. Du côté du front principal, un avant-fort (le Rivellino) est édifié. Une batterie est ajoutée au bas-fort pour protéger le front principal. La caserne est construite voûtée sur deux niveaux, entourant une cour sur les quatre côtés. Du côté du Piémont, deux tenailles étagées, dotées de pont-levis, protègent le fort. 



Une rampe d’accès est construite (22 % de pente) côté piémontais, et le glacis aménagé du côté de la France et du village d’Exilles. Le fort est encore modernisé en 1844 et doté de 74 canons, remplacés par des canons à chargement arrière à la fin du XIXème siècle.



Le chemin continue sur la route parallèle à la route principale en direction du hameau de Cels et rejoint l’entrée du hameau le Ramats. À partir de là commencent les vignobles en terrasses de Avanà et des cépages du terroir, qui nous mènent à Chiomonte, autrefois la résidence d’été de l’évêque de Pinerolo.



Nous trouvons affichée à l’entrée d’un estaminet, un joli poème consacré à la Dora que nous suivons de proche en proche depuis Montgenèvre.

La Dora (Doire Ripaire) et la Durance prennent toutes deux leur source près du col de Montgenèvre, à quelque distance l'une de l'autre. Mais tandis que la Durance dévale le versant occidental au pied duquel s’est établi Briançon, sa sœur, la Doire glisse de l'autre côté, et après avoir reçu, près d'Oulx, les eaux de la Bardonnèche, s'écou1e le long d'une vallée élargie où nichent les villages de Salbertrand, Exilles, Chaumont, en direction de Suse. A quelques kilomètres de cette ville, juste avant les villages de Gravere et de Jaillon qui se font face, elle traverse l'étroit passage connu sous le nom de «pas de Suse › qui, jusqu'au traité d'Utrecht en 1713, marquait la frontière entre le Dauphiné et la Savoie. Ce fut d'ailleurs une frontière géographique et linguistique, avant d'être une frontière politique. Comme le Mont-Cenis, et à plus forte raison (car plus méridional et moins élevé), le col de Montgenèvre formait autrefois un lieu de rencontre entre les populations pastorales

L'image est usuelle depuis le moyen âge au moins, puisqu'on la trouve dans le Chronicon Novaliciense (XIème siècle) et un ancien poete François fit quelques vers que I'on trouve dans une ancienne géographie, où la Dora fait ses adieux à la Durance › Voici les vers :

 

 

 



A l'origine, la ville se trouvait sur la rive opposée de la rivière, comme les vestiges de villages préhistoriques trouvés dans la région Madeleine, qui abrite aujourd'hui le musée archéologique, avec des témoignages importants de la préhistoire et des Celtes. Déjà à l'époque romaine, cependant, le noyau du pays était de l'autre côté, plus élevé que le lit de la rivière. Plus tard Chiomonte est passé sous juridiction française, elle est devenu la frontière entre le territoire de la Savoie et du Piémont et du Dauphiné français. Transférée ensuite avec l'Alta Val Susa, sous la domination de la Savoie par le traité d'Utrecht (1713), qui mit fin à la guerre de Succession d'Espagne. Le pays a également connu une période d'expansion et de l'industrialisation au début du XXème siècle, grâce au chemin de fer, la centrale hydroélectrique (la première dans la vallée) et depuis les années cinquante, la station de ski de Frais, desservie par un télésiège.

 


Le centre historique est un extraordinaire joyau de cours, d’arcades, de ruelles et de bâtiments anciens appartenant à la noblesse, comme la maison Ronsil et le palais Levis, siège de la pinacothèque municipale, la chapelle de Sainte Catherine qui fut un temps consacrée à Jean Baptiste, c’est à dire tout ce qu’il reste de l’hôpital de Jérusalem. 

 

 

Après un parcours agréable, rectiligne, en légère descente et sécurisé le long de la route nationale nous poursuivons par un chemin de terre qui zigzague dans le vignoble local.


 

Puis le chemin pénètre dans une forêt de feuillus essentiellement des châtaigniers. À une descente technique succède une remontée raide...



Nous apercevons distinctement le village de Giglione de l’autre côté des gorges profondes de la Dora.



Notre petit pèlerin jaune, que nous suivons résolument depuis Claviere, trouve de la concurrence avec une œuvre locale des amis de Compostelle.



Enfin après d’autres remontées, la descente se fait très raide, nous nous approchons du fond de la vallée : Suse est en bas !



L’arrivee sur la ville est une surprise totale. On ne devine les premiers toits rouges à travers les arbres qu’au dernier virage.



Et nous revoilà dans Suse !

Il est difficile de déterminer le moment où Susa a été habitée pour la première fois et les gens qui y vivaient. Parmi eux, il y avait les Ligures et plus tard sont venus les Celtes (environ 500 avant J. C.), qui ont fusionné avec les premières populations. Puis vinrent les Romains sous Jules Cesar qui se sont battus avec la population locale mais ont formé avec Donno, leur roi, une alliance afin d'assurer le transport en toute sécurité en Gaule aux troupes et la cargaison par les cols du voisin : Col de Clapier et celui de Montgenèvre. De bonnes relations ont continué pendant une longue période, célébrées par la construction de l'arc d'Auguste. La ville a ensuite été appelé Segusium et était la capitale du Royaume de Cottiens, dans la province connue des Alpes Cottiennes.


Au troisième siècle, la ville a été dotée d'un mur. Néanmoins,elle a été assiégée et brûlée par les troupes de Constantin en 312. Avec la chute de l'Empire romain d'Occident (476) a débuté une période de déclin pour Susa.
 
Notre arrivée se fait comme prévu par la partie romaine. En premier lieu l’aqueduc.


En tournant à gauche nous foulons la voie des vainqueurs pour arriver à l’arc de triomphe.
L'arc de Suse en Italie fut dédié en 8 av. J.-C.par le roi Marcus Julius Cottius à son protecteur l'empereur Auguste.

Il comprend une arcade unique, dont l'archivolte est soutenue par des pilastres. L'entablement repose sur quatre colonnes d'angle engagées. La frisecomporte, sur les quatre côtés, un bas-relief. L'attique contient une inscription qui se lit sur les deux faces.

En surface, l'arc forme un rectangle de 11,93 × 7,30 mètres.

La plate-bande inférieure de l'architrave est plus épaisse que la médiane ; et celle-ci, plus épaisse que la supérieure.

La corniche comporte vingt-deux modillons sur chaque face et douze sur chaque côté. Les caissons sont décorés de rosaces.

Les colonnes corinthiennes sont placées aux extrémités des angles, de sorte qu'un quart du fût est noyé dans le monument.





Bravo à Christine dont les pieds nécessitent une rectification pour supporter des longues marches dans le futur. 

IMP. CAESARI AUGUSTO DIVI F. PONTIFICI MAXVMO TRIBUNIC. POTESTATE XV IMP. XIII
M. IVLIVS REGIS DONNI F. COTTIVS CEIVITATIVM QUAE SVBSCRIPTAE SVNT SEGOVIORVM SEGVSINORVM
BELACORVM CATVRIGVM MEDVLLORVM TEBAVIORVM ADANATIVM SAVINCATIVM EGDINIORVM VEAMINIORVM
VENISAMORVM IEMERIORVM VESVBIANIORVM QVARIATIVM ET CEIVITATES QUAE SVB EO PRAEFECTO FVERVNT

Ce qui se traduit ainsi :

A l'empereur César Auguste, fils du divin (César), grand pontife, ayant la puissance tribunicienne pour la XVe fois, salué imperator pour la XIIIe fois, M. Julius Cottius, fils du roi Donnus, administrant les communautés qui sont citées ci-après : Ségoviens, Ségusiens, Belaces, CaturigesMédulles, Tebaves, Adanates, Savincates, Ecdini, Véamini, Venisaniens, Iemerii, Vésubiens, Quariates, et ces peuples qui sont sous son administration firent (cet arc)




La Piazza Savoia, la place principale, a été construite sur la ville ancienne, de sorte que on trouve des vestiges archéologiques romains et la Porta Savoia du IVème siècle. Plusieurs monuments sont du Moyen Age, tels que le château de la comtesse Adélaïde, le baptistère de Sainte-Marie-Majeure avec les bâtiments reliés, l'abbaye de San Giusto, le couvent de Saint François et son cloître, les maisons à arcades médiévales, la maison de Bartolomei, et deux tours dans le centre de la ville. 
 






 
La ville alpine montre une stratification importante d’époques. Mais des monuments romains valent toujours le détour comme la Porta Savoia, l'Arc d'Auguste, l'arène romaine, les remparts romains, mais aussi des maisons de la ville médiévale, trois complexes religieux de différentes identités (la cathédrale de San Giusto - ancienne abbaye bénédictine, le complexe de Santa Maria Maggiore - canon augustinien de la Basse vallée, Saint-François, le premier monastère franciscain du Piémont), le château et les restes d'un puissant Fort, la « Brunetta ». La ville a fait l'objet de nombreuses études archéologiques, qui comportent même les anciens passages souterrains dans des maisons privées, souvent cités dans la tradition orale par les habitants de Susa.
 
 


Dans une petite rue, désertée par les touristes, nous voyons un groupe d’italiens sortir d’un petit restaurant qui semblait fermé ce dimanche. L’opportunité est trop belle ! Nous allons y déjeuner puisque le service est possible jusqu’à 15:30.
Le restaurant est pleins d’autochtones, pas un touriste à l’horizon, c’est le restaurant idéal pour prendre notre premier vrai déjeuner depuis 45 jours.
 
Comme nous connaissons la suite du parcours jusqu’à Turin, nous décidons de prendre le train et de visiter demain la capitale du Piémont, toujours à pied mais sans sac à dos, la partie que nous ne connaissons pas dont les musées du cinéma et de l’automobile. 
 
È la fine !

 

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