samedi 14 janvier 2017

Le chemin de l'anonyme de Bordeaux sera-t-il une nouvelle voie soutenue par l'Europe ?



L'anonyme de Bordeaux

Le parcours de l'anonyme de Bordeaux est celui de l'un des plus anciens pèlerinages qui ait  été décrit (peut-être le plus ancien ?). Il traverse de nombreux pays européens et à ce titre mériterait d'être développé comme sentier européen de grande randonnée.

Mais le Pèlerin de Bordeaux est allé bien au-delà de l'Europe puisque le but de son voyage était Jérusalem et les lieux saints. Il a décrit son parcours en regroupant des étapes (de Bordeaux à Toulouse, de Toulouse à Arles, d'Arles à Milan...). Il est passé par les routes romaines qui existaient à cette époque et il a gagné Jérusalem en traversant la France, puis le Nord de l'Italie puis les Balkans pour gagner Istanbul, puis la Turquie et la Syrie avant d'arriver à toucher le but de son voyage.
Au retour, il a emprunté le même chemin jusqu'à la fin de la Turquie pour ensuite traverser la Grèce puis gagner le Sud de l'Italie en bateau. Il a retrouvé ensuite le tracé aller au nord de l'Italie et il est revenu par le même chemin.

Un travail de fond a été fait sur le site de Pelagos pour positionner toutes les étapes du parcours. C'est de ce site qu'est tirée la carte ci-après.
Un itinéraire praticable de nos jours pour la partie européenne (depuis http://commons.pelagios.org)

Ce parcours présente l'avantage, pour une fois, de nous faire passer par la maison (ou presque) et de nous faire traverser une partie de la France et de l'Italie que nous ne connaissons pas encore, à pied. Certes en voiture, nous avons parcouru en plusieurs morceaux ce parcours, mais à quatre kilomètres heures la vision sur le monde est bien différente ! C'est celle que nous préférons et de loin.
 
Alors nous allons donc chercher la trace des vieilles voies romaines du IVème siècle. Les recherches effectuées montrent qu'elles sont souvent recouvertes aujourd'hui par du bitume. Par ailleurs, plusieurs étapes du pèlerin en 333 après JC sont aujourd'hui incertaines. Par exemple, Mutatio Bucconis qui est l'avant dernière étape avant Toulouse : est-il passé par l'Isle-Jourdain d'aujourd'hui...   Il reste beaucoup de travail pour trouver le chemin le plus fidèle, cependant nous ferons probablement des crochets par des lieux de portée historique largement postérieurs au IVème siècle ou nous éviterons les zones totalement chamboulées par l'activité humaine.
 
Notre progression, année après année, nous fait remonter dans le temps et choisir des parcours de moins en moins balisés. Pour le moins, nous ne serons pas gênés par les "turigrinis" sur ce parcours ! J'aime bien ce néologisme italien qui contracte touriste et pèlerin, je vous invite à relire un de mes anciens articles qui décrit les différentes races de turigrini
 
Le pèlerin de Bordeaux est aussi celui de l'anonyme du Burdigalensis (le lecteur qui  souhaite approfondir ses recherches dans d'autres langues utilisera les mots itinerarium Burdigalense) . En effet, nous ne savons rien de lui sauf ce qu'il nous a laissé en héritage : la description de son parcours qui  consiste en une liste de stations (mutatio, mansio) et de cités (civitas) sur les routes impériales de l'époque, entrecoupées de quelques remarques sur ce que le pèlerin a vu. Les lieux sont subdivisés en points de bifurcations, haltes et villes. Dans ces localités, le pèlerin pouvait se reposer, s'arrêter, dîner ou changer de monture avant de poursuivre son chemin".

Voici un extrait de son périple : 

ITINERARIUM A BURDIGALA HIERUSALEM USQVE, ET AB HERACLEA PER AULONAM, ET PER URBEM ROMAM MEDIOLANUM USQUE, SIC :
CIVITAS BURDIGALA, UBI EST FLUVIUS GARONNA, PER QUEM FACIT MARE OCEANUM ACCESSA ET RECESSA PER LEUGAS PLUS MINUS CENTUM

(L'itinéraire de Bordeaux à Jérusalem, et à Heraclea (Héraclée du Pont ville turque Ereğli)
) par Aulona (Vlora) ; et par la ville de Rome à Milan, comme suit :
La ville de Bordeaux où est le fleuve Garonne dans lequel les flux et reflux de l'océan se font sur plus ou moins 100 lieues.)



Le recueil est assez limité en commentaires, c'est essentiellement des synthèses par tronçon de parcours comme :

Fit a Burdigala Arelate usque milia CCCLXXII, mutationes XXX, mansiones XI
(Total de Burdigala (Bordeaux) à Arelate (Arles) 372 milles, 30 changements (mutationes), 11 haltes (mansiones).
 
 


Pour chaque tronçon  figure une liste des points de passage ou d'étape comme par exemple :  (j'ai indiqué entre parenthèse le nom supposé et qui ne figure pas bien sûr dans le document). Cependant selon les recopies du texte initial, l'orthographe de nombreux noms diffère, ce qui rend les recherches encore plus difficiles....

Mutatio Arnagine (Saint-Gabriel) milia VIII 
Mutatio Bellinto (Barbentane) milia X 
Civitas Avenione (Avignon) milia V 
Mutatio Cypresseta (La Traille, Sorgues) milia V 
Civitas Arausione (Orange) milia XV 
Mutatio ad Letoce (Bollène) milia XIII 
Mutatio Novem Craris (Les Granges-Gontardes) milia X 
Mansio Acuno (Montélimar) milia X 
Mutatio Bantianis (Bance, Saulce-sur-Rhône) milia XII 
Mutatio Umbenno (Les Battendons, Etoile-sur-Rhône) milia XII 
Civitas Valentia (Valence) milia VIIII 
Mutatio Cerebelliaca (Sainte-Cerbelle, Ourches) milia XII 



La mutatio est une halte-relais répartie tous les 10 à 15 km, pour la simple détente et le changement éventuel de monture. Elle était située très généralement auprès d'un cours d'eau. Ce pouvait être le départ d'une urbanisation ultérieure dont les traces sont arrivées jusqu'à nous comme un simple relais qui a disparu sauf des écrits de l'anonyme de Bordeaux.
On trouvait une mansio toutes les trois mutationes. Elles étaient distantes entre elles d'environ 30 à 50 kmTenu par le caupo, c'est un lieu d'étape bien équipé et permettant éventuellement d'y passer la nuit. On y trouvait une auberge pour le repas, un service d'écuries – le stabulum - pour le repos des montures, un maréchal-ferrant, voire un charron chargé de l'entretien des véhicules.
Le premier tronçon est décrit en lieues (gauloises) qui correspond à environ 2450 mètres  jusqu'à Toulouse puis l'unité de mesure devient le mille (Milliarium) qui mesure 1479 mètres soit 1000 double pas… Pour mesurer des distances, les romains disposaient d’un instrument ingénieux, l’hodomètre ou odomètre. Une roue dentée fixée à la roue, transmettait le nombre de tours de roues, à un tambour plus grand très démultiplié ( 400 dents correspondants à 400 tours de roues, soit 5 000 pieds, ou un mille romain ). A chaque mille, un caillou tombait du tambour supérieur dans un récipient, et il suffisait de compter les cailloux pour connaître les milles parcourus.
 
La connaissance des voies romaines et du réseau ensemble est encore à ce jour très parcellaire. Les chercheurs utilisent le résultat des fouilles pour déterminer l'emplacement précis d'un morceau de chaussée, mais aussi les noms des lieux qui attestent de l'existence de voie depuis des millénaires. Plus rarement des tronçons affleurent et sont conservés en état parce que la route est devenue sans intérêt.

Les connaissances des étapes sont aussi essentielles. En cela, le récit de l'anonyme de Bordeaux contribue à assurer l'existence de mutatio ou de mansio. Les civitas en général sont bien connues comme Vasatas (Bazas), Elusa (Eauze), Auscius (Auch), Tolosa (Toulouse)... Il a contribué à mieux connaitre les routes sur lesquelles il est passé. Même si d'autres outils sont utilisés et ont été étables à d'autres dates.



 

La table de Peutinger

La description des routes relève aussi la table de Peutinger. Elle est composée de 11 parchemins dont celui qui décrit l'ouest de l'empire a été perdu.  
 

Le parchemin repéré 1 a été perdu
 
Elle recense 200 000 km de routes et l'emplacement des villes sur le réseau viaire. Les obstacles à la progression sont également indiqués comme les fleuves, les mers, les forêts et les chaînes de montagnes. La représentation est surprenante car elle décrit la route sans tenir compte de la réalité géographique. Ainsi une ville située à l'ouest d'une autre ville peut se retrouver au nord-est par facilité de représentation.
 
Rome est au centre du monde...





















Omnes Viae, un site internet, permet de voyager sur les routes décrites sur la table comme aujourd'hui : il suffit de saisir la ville de départ et la ville d'arrivée.... mais avec les noms anciens de ces villes comme Tolosa (Toulouse) et Elusa (Eauze)...


De Tolosa à Elusa





Les gobelets de Vicarello


Un autre outil fort utile est constitué de 4 gobelets en argent appelés les gobelets de Vicarello. Ils comportent gravés sur l'extérieurs les étapes de la voie domitienne qui va de la péninsule ibérique, Cadix à Rome en passant par la Gaule Narbonnaise. Elle recoupe donc une partie de notre trajet de Narbonne jusqu'à Turin. 
 
Chaque gobelet regroupe sensiblement les mêmes informations. Le site de l'arbre celtique décrit les indications gravées pour chacun des gobelets (gobelet 1gobelet 2gobelet 3, gobelet 4). De la même manière que pour le parcours de l'anonyme de Bordeaux le nom des étapes est complété de la distance depuis l'étape précédente.

 
 

L'itinéraire d'Antonin (Itinerarium Antonini Augusti))

L'itinéraire d'Antonin n'est pas une carte comme la table de Peutinger, mais une liste d'itinéraires qui décrivent les routes . Seule une partie des voies de l'Empire sont décrites (85 000 km). La description des routes remonterait à la fin du IIIème siècle et est donc proche de l'écrit de l'anonyme de Bordeaux.
Le site de l'arbre celtique est encore une fois extrêmement précis sur le contenu de ce document constitués de 20 manuscrits recopiés du VIIème au XVème siècle.
Pour ce qui est de la partie commune du parcours, quelques itinéraires d'Antonin permettent de recouper des informations :
- de l'Espagne à l'Italie
- d'Arles à Calzona
- de Milan à Vienne
- de Milan à Arles
- de Milan à Boulogne sur mer



Les étapes c'est bien, le parcours c'est mieux

Malgré, l'imprécision de la connaissance de plusieurs étapes, l'essentiel des lieux d'étape du parcours est connu. Par contre, une part significative du tracé de liaison entre civitas, mansio ou mutatio est incertaine. C'est pourquoi un travail de fond est à faire pour marcher sur ces voies romaines... 
Pour certaines étapes, le tracé est sûr car la voie romaine a été décrite, des bornes milliaires ont été trouvées, des toponymes confirment la vieille voie comme des fouilles archéologiques.
Pour d'autres, il n'y a aucun espoir car le paysage a été énormément bouleversé depuis deux mille ans d'activités humaines. C'est le cas pour une partie de la vallée du Rhône.
Il reste beaucoup d'étapes où la recherche peut permettre de retrouver tout ou partie du tracé.
 
A ce titre, nous allons aider le recherche en travaillant sur le terrain pour le tronçon allant d'Uchaux à Bollène, mais ce sera l'objet d'un autre article...


 
 
 
 
 

 
 
 
 
EnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrer
EnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrerEnregistrer
EnregistrerEnregistrer