dimanche 20 août 2017

Jour J-1 : Burdigala

 
 Un peu d'histoire avant de commencer et tout d'abord de Burdigala la ville de départ...
 
 
 
L’histoire de Bordeaux commence au IIIème siècle avant JC, au bord du fleuve, par la maîtrise du commerce de l’étain. L’endroit n’était guère sympathique, entouré de marais. Les Bituriges Vivisques avaient trouvé l'emplacement intéressant : le seul et dernier promontoire de terre ferme au contact de la rive gauche avant la zone de confluence de la Dordogne, de la Garonne et l’océan. C'était le lieu idéal pour démarrer des activités commerciales à cet endroit précis de la Garonne, c'est à partir d’une petite surface initiale de 5 à 6 ha que va se développer ensuite la ville romaine.
 
Pendant la guerre des Gaules, un lieutenant de Jules César, Publius Crassus, est accueilli à Burdigala en 56 av. J.-C.. Burdigala devint alors un "emporium" du monde romain, l'un des comptoirs commerciaux du vaste empire qui s'étend de l'Angleterre à l'Egypte.
 
 

Burdigala en 260 après JC
 
Les navires grecs, bretons, ibères ou celtes se côtoient dans le port de la ville. On y échange toujours l'étain, mais aussi des outils, de la céramique grecque ou du cuivre venant d'Espagne, du blé et des produits méditerranéens. Le vin commence rapidement à être produit sur place après l'adaptation d'un cépage cultivé par les Bituriges Cubes, la "vitis biturica" et reconnu par plusieurs auteurs latin comme un vin qui se conserve bien... Alors vin du Berry ou de Bordeaux ? Comme les Vivisques de Bordeaux émanent des Cubes...
 
Le croisement du cardo maximus (la voie nord-sud la plus importante), aujourd’hui la rue Sainte Catherine, avec le decumanus maximus (la voie est-ouest) se retrouve sous les rues de la Porte Dijeaux et la rue Saint Rémy définissait le centre de la civitas. C'est à cet endroit que se trouvait le forum comme dans toute ville romaine.
 
Ses 125 hectares voient pousser un forum, un amphithéâtre, un temple, des thermes, des maisons parmi les plus luxueuses de Gaule. Sa population atteint 20 000 habitants.
 
 Burdigala joue désormais un rôle important dans la vie économique du monde romain. De "civitas stipendaria" (cité soumise à l'impôt), elle devient, au IIème siècle, un "municipe" (cité dont les habitants jouissent de certains droits de la citoyenneté romaine).

Burdigala  Aquarelle de Jean Claude Golvin

 
Burdigala est durement frappée par les barbares en 276 qui pillent et incendient la ville. Il est alors décidé de construire des remparts qui sont achevés en 286 (selon le tracé actuel des cours d'Alsace-Lorraine, de la rue des Remparts et des cours du Chapeau Rouge et de l'Intendance). Il s'agit d'une enceinte de 740 mètres sur 480 mètres dont les murs ont une hauteur de dix mètres et une largeur de cinq mètres.
On reconstruit également le port intérieur dans lequel s'écoule la Devèze par vingt-six bouches de bronze. La ville continue à briller pendant près d'un siècle, grâce au commerce du suif, de la cire, de la poix et du papyrus. Elle s'illustre par ses poètes chrétiens (Ausone, 309-394) et ses saints (saint Paulin de Nole, 353-431).

Bordé sur 450 mètres à l'est par la Garonne, ce "castrum " est percé de quatre portes, dont l'une, la "porta Navigera", laisse passer les bateaux vers la Garonne. "L'enceinte carrée de ses murailles élève si haut ses tours superbes que leur sommet aérien perce les nues. On admire au dedans les rues qui se croisent, l'alignement des maisons et la largeur des places fidèles à leur nom ; puis les portes qui répondent en droite ligne aux carrefours," écrit Ausone, qui y voit le jour en 309. Avant de devenir le précepteur de Gratien, fils de l'empereur Valentinien, puis préfet des Gaules et consul, ce célèbre lettré et politicien est élève, grammairien (professeur de lettres), puis rhéteur (professeur de rhétorique) à l'université de Burdigala, fondée en 286. Le rayonnement de cette nouvelle institution attire des lettrés du nord de la Gaule, de Syracuse (actuelle Sicile) ou d'Athènes (Grèce).
 

La construction du castrum à la fin du IIIème siècle va contraindre les habitants de Burdigala, manquant d’espace à l’intérieur des remparts, à gagner du terrain sur les zones marécageuses. Entrepôts, horrea, bâtiment thermal avec son praefurnium extérieur et maisons d’habitation au confluent du Peugue et de la Devèze sont bâtis sur les remblais. Les grandes maisons de maître des IIème et IIIème siècles (maison à atrium et maison à mosaïque) s’agrandissent. Le bâtiment public a été cloisonné et on a construit des pièces chauffées au nord. 

 
 

L'amphithéâtre de Bordeaux, traditionnellement appelé « Palais Gallien », est construit au IIème siècle. Ce n'est pas un palais, pas plus construit par l'empereur Gallien. L'arène intérieure mesure 70 mètres sur 47 mètres, le pourtour de l'édifice est de 132 mètres sur 111 mètres, une hauteur de 25 mètres, ce qui en fait un amphithéâtre de bonne taille. D'après sa dimension, on estime sa capacité à 22 000 places. L’incendie dont l’amphithéâtre a été victime, sans doute à la fin du IIIème siècle, a conduit à son abandon. Parmi les amphithéâtres gallo-romains, il devait comporter une bonne partie en bois. Il a été abandonné par la suite, a formé un refuge pour les délinquants et des prostituées au XVIIème siècle, avant de devenir un dépôt d’ordures.

Pendant la Révolution, le monument est devenu une carrière publique et le terrain a été vendu par lots. L’œuvre monumentale a été démolie en partie pour permettre un accès facile aux lots en créant deux chemins se croisent à travers le site. A partir de 1800, les pouvoirs publics ont pris des mesures pour arrêter la dégradation du bâtiment et ont interdit toute autre mutilation. Renforcés en 1864, les murs restants ont été classés monument historique en 1911. Heureusement un arrêté Des vestiges se trouvent rue du Docteur Albert Barraud.



l'amphithéâtre de Bordeaux

 
Le port antique de Burdigala n'était pas limité à l'embouchure de la Devèze. Rapidement un premier renforcement de la berge est réalisé à l'aide de pieux. La quasi-totalité a été retrouvée pliée ou cassée en deux, suite à un effondrement de la rive. Les aménagements effondrés sont totalement reconstruits entre 85 et 113, composés d'un alignement de pieux en chêne contre lequel vient se caler horizontalement du côté de la berge, un empilement de madriers et de planches en réemploi. 

Très vite, un important dépôt d'argile de Garonne et de sable, se forme à leurs pieds pieds. Les chercheurs y ont trouvé un grand nombre de déchets domestiques : céramiques communes, céramiques fines, sigillées, rsetes d’animaux... qui témoignent que le fleuve était utilisé comme décharge. Les pièces de monnaie trouvées montrent l'importance des deux axes commerciaux majeurs : la voie d'Agrippa (qui vient de Lyon en passant par Clermont-Ferrand, Limoges et Saintes) et la Garonne qui relie Burdigala à la Narbonnaise, dès la fin du Ier siècle av. J.-C.

Pour le Bas-Empire, les réparations les plus récentes du port, interviennent à la fin du IIIème siècle et au début du IVème siècle. La construction du castrum, dans les années 280-290, ne semble donc pas avoir entraîner l'abandon des berges de Garonne. La construction de nouveaux aménagements au milieu du IVème siècle, alors que Burdigala est devenue le chef-lieu du diocèse d'Aquitaine, semble indiquer même tout le contraire. 
 
 
 
 
 A Burdigala au troisième siècle après Jésus Christ la religion chrétienne se met lentement en place malgré les persécutions. Mais l’une des religions en compétition est le culte de Mithra, déesse de la Lumière. Ce culte s'est propagé sur la totalité de l'Empire par les soldats. Le mithraeum de Burdigala a été découvert en 1986, sous le cloître du couvent des Grands Carmes, cours Victor Hugo. Il est d'une qualité rare et ses dimensions le positionnent parmi les plus grands. La découverte de ce sanctuaire qui date de la fin du IIème siècle ou le début du suivant est exceptionnelle ; il ne doit sa préservation qu’au fait d'être un bâtiment enterré. De forme rectangulaire (L = 18 , l = 10), cette pièce principale se divise en trois parties : une nef centrale, partie la plus large (4 m), et deux banquettes latérales de largeurs irrégulières (2,50 m à 2,90 m), surélevées en moyenne de 0,75 m au-dessus du sol de la nef. Les murs sont en opus mixtum : parements de pierres de petits appareils régularisés par des arases de briques, de part et d’autre d’un blocage avec des chaînages d’angle en moyen appareil. Sur le mur nord de la salle principale revêtu d’un enduit, figuraient des vestiges de peintures à motifs géométriques (bandes rouges et jaunes) ou symboliques (sortes de flammes dans l’axe de la nef).
 

 

 
 
 
 
Quand l'anonyme de Bordeaux entreprît son voyage vers Jérusalem en 333, le christianisme était encore peu ancré en Aquitaine et en particulier à Bordeaux… et nous verrons au cours du parcours que la période était agitée et les routes par endroits peu sûres.

Au IVème siècle, la ville continue à briller pendant près d'un siècle, grâce au commerce de suif, de cire, de poix et de papyrus. Elle s'illustre par ses poètes chrétiens (Ausone, 309-394) et ses saints (saint Paulin de Nole, 353-431).

 Les différentes fouilles menées à Bordeaux durant ces dix dernières années font ressortir un maintien constant de la civilisation antique du IVème au VIème siècle. Aucune véritable rupture ne peut être enregistrée avant le VIème siècle. Partout les niveaux archéologiques de ces époques sont présents et ont livré du mobilier riche et abondant, notamment des milliers de tessons en céramique sigillée paléochrétienne A. Quelques fragments de sigillée claire africaine, d’amphores orientales témoignent de la continuité d’échanges lointains jusqu’à la fin du VIème siècle. Les habitats, notamment à Saint-Christoly sont typiquement romains : mosaïques, sols de tuileau, chapiteaux etc... et ce, jusqu’à une époque très tardive. Dans le même temps, le christianisme s’installe dans le castrum au plus tard au milieu du VIème siècle. Les fouilles de Notre-Dame de la Place (1983), ont montré la mise en place de l’un de ces édifices paléochrétiens (Saint-Marie d’après Fortunat) construit entre 560 et 580 après J.-C. Mais c’est le site de Saint-Seurin qui nous permet de saisir au mieux les transformations des mentalités de la population bordelaise.

  Le christianisme paraît n'avoir pénétré qu'assez tard en Aquitaine. On attribue généralement à Saint Martial les premières prédications chrétiennes à Bordeaux; mais le triomphe définitif du christianisme est dû surtout à saint Hilaire et à saint Martin. Ce n'est qu'au commencement du IVème siècle (vers 315) que l'on trouve les traces d'une communauté chrétienne à Bordeaux ; on cite cependant, à l'époque des persécutions de Dioclétien, le martyre de saint Fort, dont les reliques furent découvertes dans l'église Saint-Seurin et qui fut plus tard l'objet d'un culte populaire. Dès le IVème siècle, on constate à Bordeaux la présence d'hérétiques; en 386, un concile, présidé par l'évêque Saint Delphin et auquel assistait Saint Martin, condamna à Bordeaux l'hérésie de Priscillius, déjà condamnée par le concile de Saragosse, et des poursuites rigoureuses furent exercées contreses adeptes.  

 Notre anonyme de Bordeaux qui écrivit ce document de voyage essentiel pour connaître les routes romaines en 333 était un des premiers chretiens de cette ville. On ne sait pas si c'était un homme ou une femme, on ne sait pas s'il a voyagé seul ou en groupe, Toujours est-il qu'il a laissé un document de référence qui est utilisé encore de nos jours pour trouver les étapes aujourd'hui oubliées mais aussi le tracé des voies romaines où il est passé. S'il a été peu disert en égrenant une liste sèche d'étapes et de distances sur la majorité du parcours, il a fait une description des lieux saints en 333 qui fait référence.


L'histoire a conservé l'itinéraire de ce pèlerin anonyme parti en 333 de Bordeaux où il fut de retour en 337.


On voit quelle utilité on peut tirer des précieuses indications de cet important itinéraire pour la géographie historique. Rendre la vie à l'auteur anonyme de l’itinéraire Burdigalense et reconstituer l'œuvre qui nous a laissé l'envisager sur toutes ses faces à l'aide des documents relatifs à l'histoire de son temps.


À l'aller comme retour le pèlerin Bordelais nous fait connaître toutes les stations de son pieux voyage sur les voies romaines.


La paix rendue à l'église par l'édit de Milan, ainsi que le magnifique réseau de voies qui sillonnaient l'empire contribuèrent beaucoup à donner, dès le quatrième siècle, un essor nouveau aux voyages en général et aux pèlerinages en particulier.


Parmi les itinéraires antérieur à celui du pèlerin de Bordeaux, on remarque celui d'Antonin, rédigé au commencement de notre ère. C'est de ce recueil dont paraît s'être servi l'auteur de l'itinerarium à Burdigala Hierusalem usque. Mais il ne tient compte que des voies qui le conduisent au but de son voyage : Jérusalem. C'est ainsi qu'il passe successivement d'une voie consulaire dans un chemin vicinal ou d'une voie militaire dans une voie prétorienne et vice versa suivant : l’iter Caesaris (Tenareze), la Via Domitia, Agrippa, Emilia, Trajana, Egnatia…


Bordeaux, point de départ du pèlerin, occupait alors, en sa qualité de métropole de la seconde Aquitaine, une place des plus importantes parmi les cités gauloise. Elle était située sur la rive droite de la Garonne et entourée d'une enceinte carrée dotée de hautes murailles.

Ses place étaient fort vastes, ses rues spacieuses et ses maisons élégantes. Les poètes chantaient à l'envi non seulement les produits déjà célèbres de ses vignobles, mais encore la beauté de son fleuve, dans les flots subissaient le contrecoup des jours de l'océan et la fraîcheur d'une source mystérieuse dans l'inépuisable abondance subvenait largement à tous les besoins des habitants. 

À tous ces avantages Bordeaux joignait encore ceux d'une grande ville de province et aux douceurs d'un climat tempéré les charmes d’une position charmante.

Comme chef-lieu de la Gaule Aquitaine cette célèbre cité possédait un Sénat composé des personnages les plus respectables et les plus distingués de la région.

Les arts, les sciences et le christianisme y florissaient, les chaires même de son illustre académie n'avait pas moins de réputation que celle de Calagurris, la patrie de Quintilien. On y vit briller successivement Exupère, maitre d’éloquence des neveux de Constantin, Alcime poète, orateur et historien, Minervius ainsi que tant d'autres grands hommes fameux parmi lesquels il convient surtout de citer Ausone qui les a célébré tous.




 
 

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